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Compensation des créances : définition, conditions & modalités pratiques

Cet article détaille le fonctionnement de la compensation des créances, ses conditions d'application, ses différentes formes et les précautions à prendre pour l'utiliser correctement.

La compensation des créances constitue un mécanisme juridique méconnu mais particulièrement efficace pour simplifier les relations commerciales entre entreprises. Elle permet d'éteindre simultanément deux dettes réciproques sans procéder à des paiements croisés, évitant ainsi des mouvements de trésorerie inutiles et limitant les risques financiers. Pour les professionnels amenés à gérer des flux financiers complexes, comprendre les règles de la compensation s'avère indispensable : elle représente à la fois un outil d'optimisation de la gestion et une protection contre le défaut de paiement. Cet article détaille le fonctionnement de la compensation des créances, ses conditions d'application, ses différentes formes et les précautions à prendre pour l'utiliser correctement.

Qu'est-ce que la compensation des créances ?

Définition juridique et principe général

La compensation des créances est définie par l'article 1347 du Code civil comme « l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes ». Ce mécanisme intervient lorsque deux parties sont mutuellement créancières et débitrices l'une envers l'autre. Plutôt que de procéder à deux paiements distincts, la loi permet d'éteindre ces dettes à hauteur de la plus faible d'entre elles.

Le principe est simple : si la société A doit 20 000 euros à la société B pour une prestation de services, et que la société B doit simultanément 15 000 euros à la société A pour une livraison de marchandises, la compensation éteint la dette de 15 000 euros. La société A ne reste alors redevable que de 5 000 euros envers la société B. Cette extinction intervient sans qu'aucun flux financier ne soit échangé pour la partie compensée.

La compensation constitue donc un mode d'extinction des obligations au même titre que le paiement, la remise de dette ou la novation. Elle présente l'avantage considérable d'éviter les paiements croisés qui alourdissent la gestion de trésorerie et multiplient les frais bancaires.

Intérêt pratique pour les entreprises

Pour les entreprises, la compensation représente un outil de gestion quotidien qui présente plusieurs avantages concrets. Elle simplifie d'abord la comptabilité en réduisant le nombre d'écritures et de mouvements bancaires. Elle limite ensuite le risque de crédit : en cas de défaillance d'un partenaire commercial, la créance que l'on détenait contre lui se trouve déjà partiellement éteinte par compensation, réduisant d'autant la perte potentielle.

La compensation permet également d'économiser les frais de virement, particulièrement appréciable lorsque les relations commerciales génèrent des flux financiers réguliers et croisés entre deux entreprises. Elle constitue enfin une forme de garantie implicite : chaque partie conserve une dette envers l'autre jusqu'à leur extinction simultanée, créant un équilibre qui encourage le respect des engagements réciproques.

Les trois types de compensation

La compensation légale

La compensation légale s'applique automatiquement dès que certaines conditions strictes sont réunies, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'accord de l'autre partie ni de saisir un juge. Elle opère de plein droit, mais doit néanmoins être invoquée par l'une des parties pour produire ses effets. Cette invocation peut intervenir à tout moment, y compris dans le cadre d'un procès où l'une des parties réclame le paiement d'une créance.

Pour que la compensation légale joue, cinq conditions cumulatives doivent être réunies. Les créances doivent être réciproques : chaque partie doit être à la fois créancière et débitrice de l'autre, à titre personnel. Elles doivent être certaines, c'est-à-dire incontestables dans leur existence. Elles doivent être liquides, ce qui signifie que leur montant est déterminé ou facilement déterminable. Elles doivent être exigibles, donc immédiatement payables sans terme ni condition suspensive. Enfin, elles doivent être fongibles, généralement des sommes d'argent ou des choses de même nature.

Lorsque ces cinq conditions sont réunies, la compensation produit ses effets rétroactivement à la date où elles se sont trouvées simultanément remplies. Cette rétroactivité présente des conséquences importantes, notamment pour le calcul des intérêts de retard qui cessent de courir à compter de cette date sur les montants compensés.

La compensation conventionnelle

La compensation conventionnelle résulte d'un accord entre les parties. Elle offre une souplesse considérable puisqu'elle permet de s'affranchir des conditions strictes de la compensation légale. Les parties peuvent ainsi convenir de compenser des créances qui ne sont pas encore exigibles, dont le montant n'est pas encore définitivement arrêté, ou qui portent sur des prestations de nature différente.

Cette forme de compensation s'organise généralement par une clause insérée dans un contrat-cadre, dans les conditions générales de vente ou dans une convention spécifique. La clause peut prévoir que toutes les créances réciproques entre les parties seront automatiquement compensées à certaines échéances, ou qu'une partie peut déclencher la compensation par simple notification.

Un exemple typique de compensation conventionnelle concerne les relations entre sociétés d'un même groupe. Ces entités juridiques distinctes entretiennent souvent de multiples relations commerciales croisées. Une convention de compensation leur permet de gérer ces flux de manière centralisée, en établissant des comptes courants interentreprises où les dettes et créances se neutralisent régulièrement selon des modalités définies à l'avance.

La compensation conventionnelle produit ses effets à la date prévue par l'accord ou, à défaut, au moment où les créances coexistent conformément aux stipulations contractuelles. Elle doit respecter les règles impératives qui protègent certaines catégories de créances, notamment les créances de nature alimentaire.

La compensation judiciaire

La compensation judiciaire intervient lorsqu'une partie invoque la compensation devant le juge alors que l'une des créances ne remplit pas toutes les conditions de la compensation légale. Cette situation se présente fréquemment lorsqu'une créance est certaine et réciproque mais n'est pas encore liquide, son montant restant à déterminer précisément.

Le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation : il peut prononcer la compensation s'il l'estime opportun et si les conditions minimales sont réunies. Il fixe alors le montant de la créance non liquide et détermine la date à laquelle la compensation produit ses effets. Cette date correspond généralement à celle du jugement, sauf si le juge constate une connexité entre les créances justifiant un effet rétroactif.

La compensation judiciaire présente un intérêt particulier dans les contentieux commerciaux où l'une des parties réclame le paiement d'une somme tandis que l'autre invoque une créance en dommages-intérêts dont le montant n'a pas encore été chiffré. Le juge peut alors, dans la même décision, évaluer cette créance et prononcer la compensation.

Les conditions strictes de la compensation légale

La réciprocité des créances

La condition de réciprocité impose que les deux parties soient simultanément créancières et débitrices l'une envers l'autre, chacune à titre personnel. Cette exigence soulève des difficultés pratiques dans certaines configurations, notamment au sein des groupes de sociétés.

Une société mère ne peut pas compenser sa dette envers un fournisseur avec une créance que sa filiale détient contre ce même fournisseur, car les personnes juridiques sont distinctes. La réciprocité suppose une stricte identité des parties aux deux obligations. De même, un associé d'une société ne peut invoquer la compensation entre sa dette personnelle et une créance de la société, même s'il en détient la totalité du capital.

La réciprocité s'apprécie au niveau des titulaires des créances, ce qui exclut la compensation lorsque l'une des parties agit en qualité de représentant d'un tiers. Un mandataire qui doit une somme personnelle à son cocontractant ne peut la compenser avec une créance qu'il détient au nom de son mandant.

La certitude de la créance

Une créance est certaine lorsque son existence n'est pas sérieusement contestable. Elle doit reposer sur une cause juridique incontestable : un contrat valablement formé, un fait générateur de responsabilité avéré, une décision de justice définitive. La certitude s'oppose à la créance éventuelle, dont l'existence dépend de la réalisation d'une condition future et incertaine.

Une créance contestée n'est pas nécessairement incertaine. Si la contestation apparaît manifestement infondée ou de pure forme, le juge peut constater que la créance présente un degré de certitude suffisant pour être compensée. L'appréciation se fait au cas par cas, en fonction des éléments de preuve produits par chaque partie.

La certitude doit exister à la date où l'on souhaite faire jouer la compensation. Une créance qui devient certaine postérieurement ne peut être compensée rétroactivement avec une créance plus ancienne, sauf accord des parties dans le cadre d'une compensation conventionnelle.

La liquidité de la créance

Une créance est liquide lorsque son montant est déterminé ou facilement déterminable. La liquidité suppose que le quantum de la créance puisse être établi sans recourir à une évaluation judiciaire complexe. Une facture acceptée, un prix convenu contractuellement, une somme fixée par une décision de justice constituent des créances liquides.

En revanche, une demande de dommages-intérêts dont le montant reste à évaluer, une créance dont le calcul nécessite l'intervention d'un expert ou l'application d'une formule complexe non encore mise en œuvre ne présente pas le caractère de liquidité requis pour la compensation légale.

La liquidité peut s'acquérir postérieurement. Une créance initialement non liquide le devient lorsque son montant est définitivement arrêté, soit par accord des parties, soit par une décision de justice, soit par l'application des modalités de calcul prévues au contrat. À cette date, si les autres conditions sont réunies, la compensation légale peut jouer.

L'exigibilité de la créance

Une créance est exigible lorsqu'elle peut être réclamée immédiatement, sans attendre l'échéance d'un terme ni la réalisation d'une condition suspensive. L'exigibilité suppose que le créancier soit en droit d'exiger le paiement sans délai. Une dette dont l'échéance est reportée à une date ultérieure ou dont le paiement est subordonné à un événement futur n'est pas exigible.

Cette condition soulève des questions pratiques fréquentes. Une facture payable à 30 jours n'est exigible qu'à l'expiration de ce délai. Avant cette date, même si la créance est certaine et liquide, elle ne peut faire l'objet d'une compensation légale. La partie qui souhaite néanmoins compenser devra obtenir l'accord de l'autre partie dans le cadre d'une compensation conventionnelle.

La déchéance du terme, qui rend immédiatement exigible une créance dont le paiement était initialement échelonné, permet de réunir la condition d'exigibilité. C'est le cas notamment lorsqu'un débiteur se trouve en situation de procédure collective ou lorsqu'une clause contractuelle prévoit que le non-paiement d'une échéance rend immédiatement exigible la totalité de la dette.

La fongibilité des créances

La fongibilité impose que les créances portent sur des choses de même nature, interchangeables. Dans la pratique commerciale, cette condition est généralement remplie puisque la plupart des créances s'expriment en sommes d'argent. Deux dettes monétaires sont fongibles, quel que soit leur objet initial : vente de marchandises, prestation de services, indemnisation d'un préjudice.

La difficulté apparaît lorsque les obligations portent sur des prestations spécifiques. Une obligation de livrer un bien individualisé ne peut être compensée avec une dette de somme d'argent. De même, deux obligations de livrer des marchandises différentes ne sont pas fongibles, sauf si les parties conviennent de les évaluer en équivalent monétaire.

La question se pose également pour les créances libellées dans des devises différentes. La jurisprudence considère généralement que des créances en euros et en dollars ne sont pas directement fongibles pour la compensation légale, mais qu'une compensation conventionnelle reste possible en prévoyant les modalités de conversion.

La compensation dans les situations particulières

Compensation et procédures collectives

L'ouverture d'une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) modifie profondément les règles de la compensation. Le principe général est que la compensation est interdite après le jugement d'ouverture, afin de garantir l'égalité entre tous les créanciers. Cette interdiction vise à éviter qu'un créancier obtienne un avantage indu en compensant sa dette alors que les autres créanciers ne seront payés que partiellement.

Une exception majeure concerne les créances connexes, c'est-à-dire celles qui sont nées d'un même contrat ou d'une même relation d'affaires. La connexité suppose un lien étroit entre les deux obligations, tel qu'elles apparaissent comme la contrepartie l'une de l'autre. Par exemple, le vendeur de marchandises livré avant l'ouverture de la procédure peut compenser sa créance de prix avec une dette qu'il aurait envers le débiteur au titre du même contrat.

Pour faire valoir une compensation après l'ouverture d'une procédure collective, le créancier doit avoir déclaré sa créance au passif dans les délais légaux. À défaut, il sera frappé de forclusion et ne pourra plus invoquer la compensation. Cette déclaration doit mentionner expressément l'intention de se prévaloir de la compensation et identifier précisément la dette que l'on entend compenser.

Compensation entre sociétés d'un même groupe

Les groupes de sociétés génèrent des flux financiers croisés importants entre entités juridiquement distinctes. La compensation présente alors un intérêt majeur pour simplifier la gestion de trésorerie et centraliser les paiements. Toutefois, la réciprocité exigée pour la compensation légale impose que chaque société soit personnellement créancière et débitrice.

Une convention de compensation intergroupes doit donc être établie avec rigueur. Elle précise les créances concernées, les modalités de calcul et de mise en œuvre, ainsi que les garanties éventuelles. Cette convention doit respecter l'intérêt social de chaque entité : une société ne peut accepter une compensation qui lui serait défavorable au seul motif qu'elle appartient au même groupe.

La prudence s'impose particulièrement lorsque l'une des sociétés du groupe rencontre des difficultés financières. Une compensation organisée au profit d'une autre entité du groupe pourrait être requalifiée en acte anormal de gestion ou en soutien abusif, engageant la responsabilité des dirigeants. En cas de procédure collective ultérieure, de telles opérations pourraient être annulées comme constituant un avantage consenti en période suspecte.

Les créances insusceptibles de compensation

Certaines créances bénéficient d'une protection spécifique qui les rend insusceptibles de compensation. Cette protection vise généralement à préserver des intérêts jugés supérieurs à l'efficacité économique de la compensation.

Les créances alimentaires constituent la catégorie la plus importante. Une pension alimentaire, une prestation compensatoire ou toute somme destinée à assurer la subsistance d'une personne ne peuvent être compensées, même avec l'accord du créancier. Cette règle protège les personnes vulnérables en garantissant qu'elles percevront effectivement les sommes nécessaires à leurs besoins essentiels.

Les créances salariales bénéficient d'une protection similaire, bien que moins absolue. Un employeur ne peut imposer la compensation entre un salaire dû et une dette que le salarié aurait envers lui, sauf exceptions limitées prévues par le Code du travail. Cette interdiction vise à garantir que le salarié perçoive son salaire en totalité.

Les créances insaisissables de manière générale échappent à la compensation. Si une créance ne peut être saisie par les créanciers du débiteur, elle ne peut non plus être compensée par ces mêmes créanciers. Cette règle découle du principe selon lequel la compensation ne doit pas permettre d'éluder les protections légales.

Mise en œuvre pratique de la compensation

Formalisation d'une compensation

Bien que la compensation légale opère de plein droit dès que ses conditions sont réunies, sa formalisation par écrit présente des avantages considérables. Un acte de compensation permet de documenter l'opération, de fixer précisément les créances concernées et leurs montants, et de prévenir toute contestation ultérieure.

Cet acte peut prendre la forme d'un simple échange de courriers où chaque partie reconnaît l'existence de créances réciproques et constate leur extinction par compensation. Un document plus formel peut être établi, détaillant les factures ou contrats à l'origine de chaque créance, reproduisant un tableau récapitulatif des montants compensés, et précisant le solde éventuel restant dû.

La formalisation s'impose particulièrement lorsque la compensation intervient dans un contexte conflictuel ou lorsque l'une des parties traverse des difficultés financières. L'acte écrit constitue alors une preuve essentielle de la date à laquelle la compensation a été invoquée et des montants concernés, éléments qui peuvent s'avérer déterminants en cas de contentieux ultérieur.

Traitement comptable de la compensation

Sur le plan comptable, la compensation doit être rigoureusement justifiée et tracée. Les écritures comptables doivent refléter l'extinction des deux créances à hauteur du montant compensé. Chaque entreprise enregistre simultanément l'extinction de sa dette et de sa créance, ce qui conduit à la disparition des deux éléments du bilan.

L'opération nécessite la conservation de pièces justificatives : l'acte de compensation, les factures ou contrats à l'origine des créances, tout document établissant que les conditions légales étaient réunies. Ces justificatifs doivent être accessibles lors d'un contrôle fiscal ou d'un audit, sous peine de remise en cause de l'opération.

La compensation présente des conséquences en matière de TVA. Lorsque deux entreprises compensent des créances correspondant à des opérations taxables, chacune reste redevable de la TVA sur l'opération qu'elle a réalisée. La compensation porte sur les montants TTC, mais chaque partie doit reverser au Trésor la TVA collectée et peut déduire la TVA qu'elle a supportée selon les règles habituelles.

Invocation de la compensation en justice

Lorsqu'une partie assigne l'autre en paiement d'une créance, le défendeur peut invoquer la compensation en soulevant une exception de compensation. Cette exception constitue un moyen de défense qui tend à l'extinction totale ou partielle de la créance réclamée.

Le défendeur doit établir que les conditions de la compensation sont réunies : existence d'une créance réciproque remplissant les critères de certitude, liquidité, exigibilité et fongibilité. Il produit les pièces justifiant sa propre créance (factures, contrats, correspondances) et démontre que celle-ci existait à la date d'introduction de l'instance.

Si le juge constate que les conditions sont effectivement réunies, il prononce la compensation avec effet rétroactif à la date où ces conditions se sont trouvées simultanément remplies. La créance du demandeur se trouve ainsi éteinte à hauteur du montant compensé. Si la créance invoquée en compensation n'est pas encore liquide, le juge peut prononcer une compensation judiciaire après avoir fixé son montant.

Les limites et précautions à observer

Risques juridiques de la compensation

La compensation mal maîtrisée expose à plusieurs risques juridiques. Une compensation irrégulière, opérée alors que les conditions légales n'étaient pas réunies, n'éteint pas effectivement les créances. Le prétendu débiteur qui refuse de payer en invoquant une compensation irrégulière s'expose à une condamnation pour défaut de paiement, assortie d'intérêts de retard et éventuellement de dommages-intérêts.

L'invocation tardive de la compensation peut également poser problème. Si une créance est prescrite, elle ne peut plus être compensée avec une créance plus récente, même si les conditions étaient réunies avant l'expiration du délai de prescription. La vigilance s'impose donc pour invoquer la compensation en temps utile.

En cas de procédure collective, une compensation opérée en méconnaissance des règles spécifiques peut être annulée et le paiement qui en découle restitué à la masse des créanciers. Le créancier qui a bénéficié de la compensation se retrouve alors simple créancier chirographaire, sans garantie de recouvrement intégral de sa créance.

Vigilance en matière de délais

Les délais jouent un rôle déterminant dans la mise en œuvre de la compensation. La prescription des créances doit être surveillée avec attention. Une créance prescrite ne peut plus être invoquée en compensation, sauf si les conditions de la compensation étaient réunies avant l'expiration du délai de prescription.

Le délai de déclaration des créances en cas de procédure collective constitue une échéance impérative. Le créancier qui entend invoquer la compensation de créances connexes doit déclarer sa créance dans les deux mois suivant la publication du jugement d'ouverture. Passé ce délai, il sera frappé de forclusion et perdra définitivement la possibilité de se prévaloir de la compensation.

Les termes contractuels doivent également être respectés. Une créance à terme ne devient exigible qu'à son échéance. Vouloir la compenser avant cette date nécessite soit l'accord de l'autre partie, soit l'intervention d'un événement entraînant la déchéance du terme. La patience peut donc s'imposer avant de pouvoir invoquer utilement la compensation légale.

Sécurisation par une clause contractuelle

L'insertion d'une clause de compensation dans les contrats-cadres, conditions générales ou conventions spécifiques présente un intérêt majeur pour sécuriser les relations d'affaires. Cette clause peut élargir les possibilités de compensation en permettant de compenser des créances futures, non encore liquides ou non encore exigibles.

Une clause bien rédigée précise les créances concernées, les conditions de mise en œuvre, les modalités de notification et les effets de la compensation. Elle peut prévoir un mécanisme automatique où la compensation s'opère à certaines échéances sans nécessiter de manifestation de volonté particulière, ou au contraire subordonner la compensation à une notification formelle.

La clause doit respecter les règles impératives protégeant certaines catégories de créances. Elle ne peut valablement prévoir la compensation de créances insaisissables ou contourner les règles applicables en cas de procédure collective. Sa validité s'apprécie au regard de l'équilibre contractuel général et du respect de l'ordre public.

Conclusion

La compensation des créances représente un mécanisme juridique puissant qui simplifie considérablement la gestion des relations commerciales entre entreprises. Son efficacité repose sur le respect strict de conditions légales cumulatives : réciprocité, certitude, liquidité, exigibilité et fongibilité des créances. Lorsque ces conditions sont réunies, la compensation opère automatiquement, évitant des flux financiers inutiles et réduisant les risques de défaut de paiement.

Les entreprises ont néanmoins intérêt à formaliser leurs opérations de compensation par des écrits précis qui documenteront l'extinction des créances et faciliteront la justification comptable. L'anticipation demeure la meilleure stratégie : l'insertion de clauses de compensation conventionnelle dans les contrats-cadres permet d'élargir les possibilités offertes par le mécanisme légal et d'adapter son fonctionnement aux particularités de chaque relation commerciale.

Les situations sensibles, notamment lorsqu'une partie traverse des difficultés financières ou appartient à un groupe de sociétés, justifient un accompagnement juridique spécialisé. Un avocat en droit des affaires pourra sécuriser les opérations de compensation, vérifier que les conditions sont effectivement réunies, et adapter le mécanisme aux contraintes particulières de chaque dossier. En matière de procédures collectives particulièrement, le respect des délais et des formalités s'avère déterminant pour préserver les droits de chaque partie.

Questions fréquentes sur la compensation des créances

Peut-on compenser une créance avec une dette dont le montant est contesté ?

La compensation légale suppose que les créances soient certaines, c'est-à-dire incontestables dans leur existence et leur montant. Une dette sérieusement contestée ne remplit donc pas cette condition et ne peut faire l'objet d'une compensation automatique. Toutefois, si la contestation apparaît manifestement dilatoire ou dépourvue de fondement sérieux, le juge peut considérer que la créance présente un degré de certitude suffisant. Dans ce cas, il appartient à la partie qui invoque la compensation de démontrer le caractère infondé de la contestation en produisant les éléments de preuve nécessaires : contrats, factures acceptées, correspondances, expertises. En l'absence de certitude suffisante, les parties peuvent néanmoins convenir d'une compensation conventionnelle en fixant d'un commun accord le montant de la dette contestée. Cette solution suppose évidemment un accord amiable, ce qui n'est pas toujours envisageable dans un contexte conflictuel. À défaut, seul un jugement tranchant définitivement le litige permettra d'établir la certitude de la créance et d'ouvrir la voie à une éventuelle compensation judiciaire.

La compensation fonctionne-t-elle entre une société et son dirigeant ?

La compensation entre une société et son dirigeant soulève des questions délicates qui appellent une grande prudence. Sur le plan des principes, rien n'interdit en soi qu'une société compense une créance qu'elle détient contre son dirigeant avec une dette qu'elle a envers lui, à condition que les conditions légales soient réunies. Cependant, plusieurs écueils doivent être évités. D'abord, l'opération ne doit pas constituer un abus de biens sociaux si elle est contraire à l'intérêt social de la société. Le dirigeant qui organiserait une compensation lui bénéficiant au détriment de la société s'exposerait à des sanctions pénales et civiles. Ensuite, certaines créances du dirigeant, notamment sa rémunération, peuvent bénéficier de protections spécifiques rendant la compensation plus complexe. Par ailleurs, en cas de difficultés financières de la société, une compensation opérée peu avant l'ouverture d'une procédure collective pourrait être annulée comme constituant un paiement préférentiel en période suspecte. Enfin, l'administration fiscale examine avec attention ces opérations qui pourraient dissimuler des actes anormaux de gestion ou des distributions occultes de bénéfices. Il est donc vivement recommandé de consulter un avocat avant de procéder à une telle compensation, afin de s'assurer de sa régularité et de la documenter rigoureusement.

Quels documents faut-il conserver pour justifier une compensation ?

La conservation de documents précis et complets constitue une nécessité absolue pour justifier une opération de compensation, tant vis-à-vis de l'autre partie que des tiers, de l'administration fiscale ou d'un juge en cas de contentieux. Les pièces essentielles comprennent d'abord tous les documents établissant l'existence et le montant des créances réciproques : contrats, bons de commande, bons de livraison, factures, relevés de compte. Ces éléments permettent de démontrer que les créances sont certaines et liquides. Ensuite, tout document prouvant l'exigibilité des créances doit être conservé : dates d'échéance contractuelles, mises en demeure, accusés de réception de livraisons ou de prestations. L'acte de compensation lui-même, qu'il s'agisse d'un courrier, d'un protocole d'accord ou d'une simple mention sur une facture, doit figurer au dossier avec sa date certaine. Si la compensation repose sur une clause contractuelle préexistante, le contrat la prévoyant doit être archivé. En cas de notification, l'accusé de réception ou tout élément prouvant que l'autre partie a été informée de l'invocation de la compensation doit être conservé. Enfin, les écritures comptables et leurs justificatifs doivent refléter l'opération de manière transparente et être accessibles pendant le délai de conservation légal, soit dix ans en matière commerciale. Cette documentation complète permet de sécuriser l'opération et de répondre à toute demande de justification ultérieure.

Une entreprise en difficulté peut-elle refuser une compensation pour préserver sa trésorerie ?

Une entreprise ne peut refuser une compensation légale dès lors que les conditions en sont réunies et que l'autre partie l'invoque régulièrement. La compensation opère en effet de plein droit, ce qui signifie qu'elle s'impose aux deux parties indépendamment de leur volonté, sous réserve d'être invoquée. Le débiteur qui souhaiterait préserver sa trésorerie en encaissant une créance tout en refusant de payer sa propre dette ne peut s'opposer à la compensation en invoquant ses difficultés financières. Cette règle garantit la sécurité juridique et l'équité entre les parties : elle évite qu'un débiteur puisse se prévaloir de ses propres difficultés pour obtenir un avantage au détriment de son créancier. Toutefois, cette rigidité de la compensation légale connaît des tempéraments. D'une part, si les conditions de la compensation légale ne sont pas toutes réunies, notamment si l'une des créances n'est pas encore exigible, le débiteur peut légitimement refuser la compensation et exiger le paiement de sa créance. D'autre part, les parties peuvent convenir d'écarter la compensation par un accord exprès, par exemple en prévoyant contractuellement que certaines créances ne pourront pas être compensées. Enfin, l'ouverture d'une procédure collective modifie profondément la donne : après le jugement d'ouverture, les compensations sont interdites sauf exception, ce qui permet effectivement au débiteur en difficulté de préserver ses actifs au profit de l'ensemble des créanciers. Mais avant cette étape, le jeu normal de la compensation s'impose.

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