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Assignation en intervention forcée : guide en 2026

Cet article détaille le fonctionnement de l'assignation en intervention forcée, ses applications concrètes et les précautions indispensables pour l'utiliser avec succès.

L'assignation en intervention forcée constitue un levier procédural déterminant dans la gestion des contentieux complexes. Cette procédure permet à une partie engagée dans un procès d'intégrer un tiers au litige, afin d'obtenir sa condamnation, sa garantie ou simplement rendre la décision judiciaire opposable à l'ensemble des personnes concernées. Loin d'être un simple artifice technique, l'intervention forcée répond à des impératifs d'efficacité et de cohérence : elle évite la multiplication de procédures distinctes portant sur les mêmes faits et garantit une solution globale. Maîtriser cette procédure suppose de comprendre ses conditions, ses modalités pratiques et ses risques. Cet article détaille le fonctionnement de l'assignation en intervention forcée, ses applications concrètes et les précautions indispensables pour l'utiliser avec succès.

Qu'est-ce qu'une assignation en intervention forcée ?

Définition et fondement juridique

L'assignation en intervention forcée désigne l'acte par lequel une partie à un procès déjà engagé met en cause un tiers pour l'intégrer à l'instance en cours. Cette procédure trouve son fondement dans l'article 331 du Code de procédure civile, qui dispose que toute partie qui y a intérêt peut mettre en cause un tiers. L'objectif est d'étendre le champ d'application du jugement à venir à ce tiers, qui deviendra partie à l'instance et sera soumis à la décision finale.

Contrairement à une nouvelle assignation classique qui ouvrirait un contentieux distinct, l'intervention forcée s'inscrit dans le cadre procédural existant. Elle constitue une demande incidente* c'est-à-dire une demande formulée au cours d'un procès déjà commencé, qui vient modifier la configuration initiale du litige. L'article 66 du Code de procédure civile précise que constitue une intervention la demande dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires.

Cette procédure présente un intérêt majeur : elle permet de concentrer devant un même juge l'ensemble des questions connexes, évitant ainsi des décisions contradictoires et des procédures multiples qui alourdiraient les coûts et allongeraient les délais. Le tiers appelé dispose des mêmes droits qu'une partie ordinaire : il peut soulever tous moyens de défense, contester les prétentions dirigées contre lui et former lui-même des demandes contre les autres parties.

Les trois objectifs principaux de l'intervention forcée

L'assignation en intervention forcée peut poursuivre trois finalités distinctes, qui déterminent la nature des prétentions formulées à l'encontre du tiers.

Le premier objectif consiste à obtenir la condamnation du tiers. Une partie au litige estime que le tiers est responsable, totalement ou partiellement, du préjudice en cause et sollicite sa condamnation à réparer ce préjudice. Cette hypothèse se rencontre fréquemment dans les chaînes de contrats, où le défendeur initial appelle en cause son propre fournisseur ou sous-traitant pour établir que la responsabilité incombe en réalité à ce dernier.

Le deuxième objectif vise à obtenir la garantie du tiers. Le défendeur, menacé d'une condamnation, appelle en cause une personne tenue de le garantir en vertu d'un contrat, d'une clause spécifique ou d'une règle légale. L'appel en garantie ne suppose pas nécessairement que le garant soit responsable du dommage initial : il peut simplement être tenu contractuellement de prendre en charge les conséquences financières d'une condamnation prononcée contre le garanti. L'exemple typique concerne l'assureur, appelé en garantie par son assuré.

Le troisième objectif consiste à rendre le jugement commun au tiers. Sans nécessairement solliciter sa condamnation, une partie souhaite que le tiers soit présent au procès pour que la décision lui soit opposable. Cette situation se présente lorsque le jugement aura des répercussions sur les droits ou obligations du tiers, qui doit pouvoir se défendre et être lié par la décision pour éviter qu'il ne remette ultérieurement en cause les constatations du jugement.

Distinction avec l'intervention volontaire

L'intervention forcée se distingue radicalement de l'intervention volontaire, bien que les deux procédures poursuivent des objectifs voisins d'intégration d'un tiers au procès. La différence fondamentale tient à l'initiative : l'intervention forcée résulte de la volonté d'une partie déjà engagée dans le procès, qui impose au tiers son entrée dans l'instance, tandis que l'intervention volontaire procède de la démarche spontanée du tiers lui-même.

L'intervention volontaire peut revêtir deux formes. L'intervention volontaire accessoire, prévue à l'article 330 du Code de procédure civile, permet à un tiers de se joindre au procès pour soutenir les prétentions d'une partie existante, afin de préserver ses propres intérêts. L'**intervention volontaire principale, visée à l'article 329, permet au tiers de formuler des prétentions autonomes contre les parties originaires, distinctes de celles déjà débattues mais suffisamment connexes pour justifier leur examen dans le même procès.

La position procédurale diffère également : dans l'intervention forcée, le tiers se trouve dans une position défensive, contraint de répondre aux prétentions dirigées contre lui. Dans l'intervention volontaire, le tiers conserve l'initiative et choisit le moment et les modalités de son entrée dans le procès. Cette différence emporte des conséquences sur la stratégie contentieuse : le tiers qui anticipe un risque d'être mis en cause peut parfois avoir intérêt à intervenir volontairement pour mieux maîtriser sa défense.

Les conditions de recevabilité de l'assignation en intervention forcée

L'intérêt à agir de la partie appelante

La première condition de recevabilité tient à l'intérêt à agir de la partie qui sollicite l'intervention forcée. Cet intérêt doit être légitime, personnel et direct. Il ne suffit pas d'avoir un simple intérêt à voir le tiers présent au procès : la partie appelante doit démontrer que la présence du tiers conditionne l'efficacité de la décision qu'elle sollicite.

L'intérêt à agir se manifeste typiquement lorsque le défendeur estime que sa responsabilité n'est qu'apparente et que le véritable responsable est un tiers. En appelant ce tiers en cause, le défendeur cherche soit à faire reporter intégralement la condamnation sur ce dernier, soit à partager la responsabilité selon la contribution respective de chacun au préjudice. L'intérêt peut également résider dans l'exécution d'une obligation de garantie : le défendeur menacé d'une condamnation appelle son garant pour que celui-ci soit tenu de l'indemniser du montant de cette condamnation.

Le juge apprécie souverainement l'existence et la suffisance de l'intérêt à agir. Il vérifie que la mise en cause du tiers n'apparaît pas comme une manœuvre dilatoire destinée à retarder le jugement ou à compliquer inutilement la procédure. Un intérêt purement éventuel ou hypothétique ne suffit pas : la partie appelante doit établir un lien suffisamment étroit entre le litige en cours et les droits ou obligations du tiers pour justifier son intervention forcée.

La connexité avec le litige principal

La demande d'intervention forcée doit présenter un lien de connexité avec le litige principal. Cette exigence, posée par l'article 367 du Code de procédure civile pour les demandes incidentes, suppose que les prétentions dirigées contre le tiers se rattachent au litige initial par un lien suffisant. La connexité peut résulter d'une identité de cause juridique, d'une communauté de faits ou simplement d'un intérêt à ce que les questions connexes soient jugées ensemble pour éviter des décisions contradictoires.

Un exemple classique concerne les chaînes de contrats. L'acheteur final assigne le vendeur en garantie des vices cachés. Le vendeur appelle en cause son propre fournisseur, estimant que les vices résultent de défauts présents dès l'origine. La connexité est manifeste : les trois contrats successifs portent sur le même bien, les vices invoqués sont identiques, et il existe un intérêt évident à ce que le juge examine globalement la question de la responsabilité dans la chaîne contractuelle.

La connexité doit être suffisamment étroite. Le juge peut refuser une intervention forcée si la demande dirigée contre le tiers soulève des questions juridiques ou factuelles trop éloignées du litige initial. L'appréciation se fait au cas par cas, en tenant compte de l'économie de procédure et du risque de décisions contradictoires. Une intervention forcée qui transformerait radicalement l'objet du litige ou nécessiterait l'examen de questions totalement nouvelles risque d'être jugée irrecevable.

Le respect des délais procéduraux

L'assignation en intervention forcée doit intervenir en temps utile, c'est-à-dire à un moment où le tiers peut encore exercer utilement ses droits de la défense et où le juge peut examiner les prétentions nouvelles sans perturber excessivement le déroulement de la procédure. Les délais varient selon la nature de la procédure et le stade où se trouve l'instance.

Devant le tribunal judiciaire, où la procédure écrite avec mise en état constitue la règle, l'intervention forcée doit intervenir avant la clôture de l'instruction. Le juge de la mise en état fixe les délais dans lesquels les demandes incidentes doivent être formulées. Une assignation délivrée après la clôture sera déclarée irrecevable, sauf cas exceptionnel justifiant la réouverture de l'instruction. Le respect du calendrier procédural s'impose donc avec rigueur.

Devant le tribunal de commerce, les règles sont plus souples mais nécessitent une coordination avec le greffe et le juge rapporteur. Il convient de solliciter une date de renvoi permettant au tiers d'être régulièrement convoqué et de disposer du temps nécessaire pour préparer sa défense. L'article 754 du Code de procédure civile prévoit des délais minimums entre la délivrance de l'assignation et la date d'audience, variables selon la distance.

En référé, l'intervention forcée obéit aux contraintes d'urgence propres à cette procédure. Certaines juridictions admettent difficilement les interventions forcées en référé, estimant qu'elles sont incompatibles avec le caractère provisoire et urgent de la procédure. D'autres acceptent cette pratique sous réserve que le tiers puisse être convoqué dans des délais très brefs et que l'intervention n'alourdisse pas excessivement le débat. La prudence commande de se renseigner sur les usages de la juridiction saisie.

Les mentions obligatoires de l'acte d'assignation

L'assignation en intervention forcée constitue un acte d'huissier qui doit respecter un formalisme strict sous peine de nullité. L'article 56 du Code de procédure civile énumère les mentions obligatoires que tout acte introductif d'instance doit comporter. Le non-respect de ces exigences expose à une nullité de forme qui, si elle est invoquée en temps utile, rendra l'assignation inopérante.

Les mentions indispensables comprennent d'abord l'identification précise des parties. Le tiers assigné doit être désigné avec exactitude : pour une personne physique, nom, prénoms, domicile ; pour une personne morale, dénomination, forme sociale, siège social et identification du représentant légal. La partie appelante et son avocat constitué doivent également être identifiés. Toute imprécision peut entraîner la nullité si elle a fait grief au tiers assigné.

L'acte doit contenir un exposé des moyens en fait et en droit Cette exigence suppose que le tiers comprenne précisément les raisons pour lesquelles il est mis en cause, les fondements juridiques invoqués et les prétentions dirigées contre lui. Un exposé trop succinct ou elliptique peut constituer un motif de nullité. À l'inverse, un exposé trop prolixe risque de noyer les éléments essentiels. L'équilibre doit être trouvé entre clarté et précision.

L'assignation doit mentionner l'objet de la demande de manière explicite. S'agit-il d'une condamnation du tiers à payer une somme déterminée ? D'un appel en garantie pour couvrir une condamnation éventuelle ? D'une simple déclaration de jugement commun ? La formulation doit être suffisamment précise pour permettre au tiers de préparer sa défense et au juge de statuer en connaissance de cause.

L'acte doit indiquer au tiers qu'il dispose d'un délai de quinze jours pour constituer avocat, sous peine de voir un avocat désigné d'office pour le représenter. Cette mention impérative garantit que le tiers connaît ses droits et peut organiser sa défense dans les délais. Elle doit figurer de manière apparente dans l'assignation.

Enfin, l'assignation doit être accompagnée d'un bordereau des pièces communiquées. Cette liste récapitule l'ensemble des documents sur lesquels s'appuie la partie appelante pour justifier la mise en cause du tiers. Le respect de cette exigence permet au tiers de prendre connaissance immédiatement des éléments de preuve produits contre lui et de préparer sa réponse en conséquence.

Procédure et modalités pratiques selon les juridictions

Devant le tribunal judiciaire

La procédure devant le tribunal judiciaire obéit à des règles strictes dès lors que la représentation par avocat est obligatoire et que l'instruction se déroule selon le régime de la mise en état. L'assignation en intervention forcée doit être délivrée à une date de renvoi compatible avec le calendrier procédural fixé par le juge de la mise en état.

Concrètement, la partie qui envisage une intervention forcée doit d'abord solliciter du juge de la mise en état l'autorisation de délivrer une assignation à tiers et obtenir une date de renvoi. Cette date doit permettre au tiers de disposer des délais légaux pour constituer avocat et prendre connaissance du dossier. Le juge peut fixer un calendrier spécifique pour l'intégration du tiers, avec des dates propres pour les conclusions et les échanges de pièces.

Une fois la date de renvoi obtenue, l'assignation est délivrée par acte d'huissier au tiers. L'huissier doit respecter les règles de signification : remise en mains propres au tiers ou à son domicile selon les modalités prévues par le Code de procédure civile. La preuve de la signification régulière conditionne la validité de l'assignation et donc la possibilité pour le juge de statuer à l'encontre du tiers.

Le tiers dispose alors de quinze jours pour constituer avocat. Son avocat établit des conclusions en réponse, dans lesquelles il peut contester la recevabilité de l'intervention forcée, soulever des exceptions de procédure ou défendre au fond. Le juge de la mise en état veille au respect du principe du contradictoire, en s'assurant que chaque partie dispose d'un temps suffisant pour répondre aux arguments et pièces des autres.

La procédure se poursuit ensuite selon le calendrier de la mise en état, avec éventuellement des échanges complémentaires de conclusions si des questions nouvelles apparaissent. Le juge peut ordonner des mesures d'instruction (expertise, comparution personnelle des parties) si cela s'avère nécessaire pour éclairer le débat. L'affaire est ensuite plaidée à l'audience puis jugée, le jugement statuant conjointement sur les prétentions des parties originaires et sur celles dirigées contre le tiers.

Devant le tribunal de commerce

Devant le tribunal de commerce, la procédure présente davantage de souplesse, la représentation par avocat n'étant pas obligatoire et l'instruction se déroulant de manière moins formalisée. L'assignation en intervention forcée suppose néanmoins de coordonner l'opération avec le greffe et le juge rapporteur.

La partie qui souhaite mettre en cause un tiers sollicite du tribunal une date de renvoi adaptée. Cette demande s'effectue généralement par courrier ou par requête au greffe, en exposant les motifs de l'intervention forcée et en proposant une date compatible avec les délais légaux de signification. Le greffe, en concertation avec le juge rapporteur, fixe une date d'audience permettant au tiers d'être régulièrement convoqué.

L'assignation est ensuite délivrée par acte d'huissier, en respectant les délais minimums prévus à l'article 754 du Code de procédure civile. Ces délais varient selon la distance : quinze jours si le tiers réside dans le ressort de la cour d'appel, un mois s'il réside en métropole hors du ressort, deux mois s'il réside outre-mer ou à l'étranger. Le non-respect de ces délais entraîne la nullité de l'assignation.

À l'audience, le tribunal statue sur la recevabilité de l'intervention forcée avant d'examiner le fond. Si l'intervention est déclarée recevable, le tribunal peut soit juger immédiatement si le dossier est en état, soit renvoyer à une audience ultérieure pour permettre au tiers de présenter sa défense complète. La procédure orale permet des échanges directs entre les parties et le juge, ce qui facilite parfois la compréhension des enjeux.

Le jugement statuant sur le litige principal et sur les prétentions dirigées contre le tiers est rendu en une seule décision. Cette décision est opposable à toutes les parties, y compris au tiers intervenu forcément. Elle peut faire l'objet d'un appel selon les règles ordinaires, chaque partie disposant d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement pour former appel.

En référé : spécificités et contraintes

La procédure de référé, caractérisée par son urgence et son caractère provisoire, admet difficilement les interventions forcées. La jurisprudence considère généralement que l'intervention d'un tiers risque d'alourdir le débat et de compromettre la rapidité qui justifie le recours au référé. Toutefois, certaines situations justifient exceptionnellement une intervention forcée en référé.

L'intervention forcée peut être admise lorsque la présence du tiers s'avère indispensable pour statuer utilement sur la demande principale, et que le tiers peut être convoqué dans des délais très brefs sans que cela compromette ses droits de la défense. Par exemple, dans un référé en matière de trouble manifestement illicite, si le trouble résulte d'agissements combinés de plusieurs personnes, l'appel en cause de l'ensemble des responsables peut se justifier.

Les modalités pratiques varient considérablement d'une juridiction à l'autre. Certains tribunaux acceptent les assignations en intervention forcée en référé moyennant le respect de délais très courts (quelques jours), tandis que d'autres refusent systématiquement cette pratique. Il est donc impératif de se renseigner auprès du greffe de la juridiction concernée et de consulter les usages locaux avant d'envisager une telle démarche.

Lorsque l'intervention forcée est recevable en référé, l'ordonnance rendue conserve son caractère provisoire : elle ne tranche pas le fond du droit mais statue sur des mesures urgentes ou sur des situations manifestement illicites. Le tiers appelé en cause dispose des mêmes droits que les parties originaires pour contester les prétentions dirigées contre lui et peut former appel de l'ordonnance dans le délai de quinze jours prévu pour les référés.

En cause d'appel : restrictions et conditions

L'intervention forcée en cause d'appel obéit à des règles plus restrictives qu'en première instance. Le principe général veut que l'appel soit dévolutif : le litige est soumis à nouveau à la cour d'appel dans les limites fixées par les conclusions d'appelant. L'intervention forcée d'un tiers qui n'était ni partie ni représenté en première instance constitue une modification substantielle du cadre du litige, que la jurisprudence admet avec réticence.

L'article 554 du Code de procédure civile pose le principe selon lequel les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, sauf exceptions limitées. Une intervention forcée en appel n'est généralement admise que si le tiers concerné était déjà partie en première instance ou si des circonstances nouvelles survenues depuis le jugement de première instance justifient sa mise en cause.

La jurisprudence a précisé ces conditions. La Cour de cassation considère qu'une intervention forcée en appel est irrecevable lorsqu'elle tend à faire juger des prétentions qui auraient pu et dû être formées en première instance. En revanche, si des faits nouveaux sont apparus après le jugement de première instance, ou si le tiers était représenté en première instance par l'une des parties qui agissait également pour son compte, l'intervention forcée peut être admise.

Un exemple d'intervention forcée recevable en appel concerne l'assureur qui n'aurait pas été appelé en première instance mais dont la garantie est invoquée pour la première fois en appel, à condition que cette circonstance nouvelle résulte d'éléments découverts après le jugement de première instance. À l'inverse, appeler en cause un sous-traitant en appel alors qu'il aurait pu être mis en cause dès la première instance sera généralement jugé irrecevable.

Exemples concrets d'utilisation de l'intervention forcée

Dans les contentieux commerciaux : chaînes de contrats

Les chaînes de contrats constituent le terrain d'élection de l'intervention forcée. Ces situations se caractérisent par une succession de contrats portant sur le même bien ou la même prestation, impliquant trois personnes ou plus. Lorsqu'un litige survient entre deux maillons de la chaîne, l'intervention forcée permet d'intégrer les autres maillons pour établir les responsabilités respectives.

Exemple 1 : Vice caché dans une chaîne de vente

Un particulier achète un véhicule d'occasion auprès d'un concessionnaire professionnel. Quelques mois après l'achat, des vices mécaniques graves apparaissent, rendant le véhicule dangereux. L'acheteur assigne le concessionnaire en garantie des vices cachés, sollicitant la résolution de la vente et des dommages-intérêts.

Le concessionnaire estime que les vices existaient déjà lorsqu'il a lui-même acquis le véhicule auprès d'un grossiste. Il délivre une assignation en intervention forcée à ce grossiste, demandant à être relevé et garanti de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre. Le grossiste devient partie au procès et peut à son tour appeler en cause le premier vendeur s'il estime que les vices remontent encore plus loin dans la chaîne.

Le tribunal examine conjointement la responsabilité de chaque intervenant. Il constate que les vices existaient dès l'origine et remontent au premier vendeur. Il condamne le concessionnaire envers l'acheteur (obligation de garantie envers son client direct), puis condamne le grossiste à garantir le concessionnaire, et enfin condamne le premier vendeur à garantir le grossiste. Chaque condamnation en garantie neutralise la précédente, de sorte que le coût final est supporté par le responsable initial.

Exemple 2 : Défaut de conformité dans une prestation de services

Une entreprise confie à un prestataire informatique le développement d'un logiciel sur mesure. Le prestataire sous-traite une partie du développement à un programmeur indépendant. À la livraison, le logiciel présente des dysfonctionnements graves qui paralysent l'activité de l'entreprise cliente.

L'entreprise assigne le prestataire en résolution du contrat, en restitution du prix payé et en dommages-intérêts pour perte d'exploitation. Le prestataire, estimant que les dysfonctionnements résultent d'erreurs de programmation commises par le sous-traitant, appelle ce dernier en intervention forcée. Il demande à ce que le sous-traitant soit condamné à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Le tribunal examine les responsabilités respectives. Il constate que le prestataire principal est responsable envers le client final (obligation de résultat du contrat d'entreprise), mais que les dysfonctionnements résultent effectivement de fautes commises par le sous-traitant. Le tribunal condamne le prestataire envers le client, puis condamne le sous-traitant à garantir le prestataire à hauteur de 80% des sommes dues, les 20% restants demeurant à la charge du prestataire qui n'a pas suffisamment vérifié le travail de son sous-traitant.

L'appel en garantie de l'assureur

L'appel en garantie de l'assureur constitue l'une des applications les plus fréquentes de l'intervention forcée. Lorsqu'un assuré est poursuivi en responsabilité, il a généralement intérêt à appeler son assureur en garantie pour que celui-ci soit condamné à prendre en charge les conséquences financières du sinistre.

Exemple 3 : Responsabilité civile professionnelle

Un architecte est assigné par un maître d'ouvrage en raison de malfaçons affectant un bâtiment qu'il a conçu. Le maître d'ouvrage réclame 300 000 euros de dommages-intérêts. L'architecte dispose d'une assurance responsabilité civile professionnelle couvrant ce type de sinistre.

L'architecte délivre une assignation en intervention forcée à sa compagnie d'assurance, demandant à ce qu'elle soit condamnée à le garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, dans les limites du contrat d'assurance. L'assureur devient partie au procès et peut contester soit la responsabilité de l'assuré (soutenant qu'il n'a commis aucune faute), soit l'application de la garantie (invoquant une exclusion contractuelle ou un défaut de déclaration du sinistre).

Le tribunal examine d'abord la responsabilité de l'architecte. S'il constate une faute professionnelle, il condamne l'architecte à indemniser le maître d'ouvrage. Il examine ensuite les conditions du contrat d'assurance et vérifie que le sinistre entre dans le champ de la garantie. Si c'est le cas, il condamne l'assureur à garantir l'architecte, c'est-à-dire à prendre en charge le montant de la condamnation dans les limites contractuelles (plafond de garantie, franchise éventuelle).

Exemple 4 : Accident de la circulation

Une victime d'accident de la circulation assigne le conducteur responsable en indemnisation de ses préjudices corporels. Le conducteur appelle en garantie sa compagnie d'assurance automobile. L'assureur conteste la garantie au motif que le conducteur était en état d'ébriété au moment de l'accident, circonstance constituant une exclusion de garantie selon les conditions générales du contrat.

Le tribunal condamne le conducteur à indemniser la victime (responsabilité civile délictuelle). Il examine ensuite l'applicabilité de l'exclusion de garantie invoquée par l'assureur. S'il estime que l'exclusion est valable, il rejette l'appel en garantie : le conducteur devra personnellement supporter la charge financière de la condamnation. Si au contraire il considère que l'exclusion est abusive ou mal fondée, il condamne l'assureur à garantir son assuré.

Responsabilité partagée entre co-contractants

L'intervention forcée permet également d'organiser un partage de responsabilité entre plusieurs personnes ayant contribué au dommage, même si elles n'étaient pas toutes parties au contrat initial.

Exemple 5 : Sinistre sur un chantier de construction

Un maître d'ouvrage constate des infiltrations d'eau dans un bâtiment récemment livré. Il assigne l'entreprise générale de construction. Cette dernière estime que les infiltrations résultent d'une mauvaise pose de l'étanchéité par le sous-traitant spécialisé, et d'un défaut de conception des évacuations par le bureau d'études techniques.

L'entreprise générale appelle en intervention forcée le sous-traitant et le bureau d'études. Le tribunal examine les responsabilités respectives de chaque intervenant. L'expertise établit que les infiltrations résultent pour 50% d'une pose défectueuse de l'étanchéité, pour 30% d'un défaut de conception des évacuations, et pour 20% d'un défaut de coordination de l'entreprise générale.

Le tribunal condamne l'entreprise générale envers le maître d'ouvrage (obligation de résultat du contrat d'entreprise). Il condamne ensuite le sous-traitant à garantir l'entreprise générale à hauteur de 50% du montant, et le bureau d'études à hauteur de 30%, les 20% restants demeurant à la charge de l'entreprise générale. Chaque intervenant supporte ainsi une part de l'indemnisation proportionnelle à sa contribution au dommage.

Exemple 6 : Litige sur un crédit-bail mobilier

Une société de crédit-bail finance l'acquisition d'un équipement industriel pour le compte d'une entreprise utilisatrice. L'équipement présente des dysfonctionnements graves, et l'entreprise cesse de payer les loyers. La société de crédit-bail assigne l'entreprise en paiement des loyers impayés et en résiliation du contrat.

L'entreprise utilisatrice appelle en intervention forcée le fournisseur de l'équipement, estimant que les dysfonctionnements résultent de vices cachés qui justifient la suspension des loyers. Le tribunal examine d'abord la relation entre le crédit-preneur et le crédit-bailleur, puis la responsabilité du fournisseur. Il peut condamner l'entreprise à payer les loyers au crédit-bailleur, tout en condamnant le fournisseur à garantir l'entreprise des conséquences de cette condamnation si les vices sont avérés.

Déclaration de jugement commun

L'intervention forcée peut également viser simplement à rendre le jugement opposable à un tiers, sans nécessairement solliciter sa condamnation, pour éviter qu'il ne remette ultérieurement en cause les constatations du jugement.

Exemple 7 : Litige sur la propriété d'un bien

Deux personnes se disputent la propriété d'un terrain. L'une d'elles a conclu un bail rural sur ce terrain avec un exploitant agricole. Pendant le procès en revendication de propriété, le propriétaire apparent appelle l'exploitant en intervention forcée, non pour obtenir sa condamnation, mais pour que le jugement qui sera rendu lui soit opposable et qu'il ne puisse ultérieurement contester le résultat du litige.

Le tribunal statue sur la propriété du terrain entre les deux prétendants. Le jugement est déclaré commun à l'exploitant, qui est lié par ses constatations. Si le tribunal reconnaît la propriété au demandeur, l'exploitant ne pourra plus invoquer son bail conclu avec le défendeur pour s'opposer à l'exercice du droit de propriété du véritable propriétaire.

Les risques et précautions à observer

Risques d'irrecevabilité de l'assignation

L'assignation en intervention forcée expose à plusieurs risques d'irrecevabilité qui doivent être anticipés lors de sa rédaction et de sa délivrance. Le premier risque concerne le délai : une assignation tardive, délivrée après la clôture de l'instruction ou dans un délai ne permettant pas au tiers d'exercer utilement ses droits de la défense, sera déclarée irrecevable. Cette irrecevabilité sanctionne le non-respect des règles procédurales impératives garantissant les droits du tiers.

Le deuxième risque tient au défaut de connexité** avec le litige principal. Si la demande dirigée contre le tiers soulève des questions juridiques ou factuelles trop éloignées de l'objet du litige initial, le juge peut considérer que l'intervention forcée ne se justifie pas et la déclarer irrecevable. Cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui examinent concrètement le lien entre les deux demandes.

Le troisième risque concerne le défaut d'intérêt à agir. Si la partie appelante ne démontre pas qu'elle a un intérêt légitime à mettre en cause le tiers, l'intervention forcée sera rejetée. Un intérêt purement éventuel, hypothétique ou procédant d'une simple convenance personnelle ne suffit pas. L'intérêt doit être actuel, direct et juridiquement protégé.

En appel les risques d'irrecevabilité se multiplient. La jurisprudence exige que l'intervention forcée en appel soit justifiée par des circonstances nouvelles ou par une nécessité qui n'existait pas en première instance. Une intervention forcée visant à pallier une négligence de première instance sera systématiquement rejetée. La Cour de cassation veille strictement au respect de cette règle, qui découle du caractère dévolutif de l'appel.

Conséquences financières en cas d'échec

L'échec d'une assignation en intervention forcée emporte des conséquences financières non négligeables. La partie qui a sollicité l'intervention forcée s'expose à une condamnation au paiement des dépens correspondant aux frais de procédure engagés par le tiers inutilement appelé en cause. Ces dépens comprennent les frais d'huissier, les émoluments d'avocat et tous les frais de procédure.

Au-delà des dépens, le tiers peut solliciter une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, qui permet au juge de condamner la partie perdante à verser à l'adversaire une somme destinée à couvrir les frais irrépétibles, c'est-à-dire les honoraires d'avocat qui ne sont pas compris dans les dépens. Cette indemnité peut atteindre plusieurs milliers d'euros selon la complexité du dossier.

Le tiers peut également solliciter des dommages-intérêts s'il établit que l'intervention forcée constituait un abus de procédure, c'est-à-dire une utilisation dilatoire ou vexatoire du droit d'agir. L'abus suppose une faute caractérisée : action manifestement dénuée de fondement, démarche purement dilatoire destinée à retarder le jugement, ou volonté de nuire au tiers. Les dommages-intérêts peuvent être substantiels si le tiers démontre un préjudice (atteinte à la réputation, coût de mobilisation des équipes, etc.).

Enfin, l'échec de l'intervention forcée peut avoir des conséquences stratégiques : la partie qui a tenté d'appeler un tiers en cause révèle sa stratégie de défense, qui peut ensuite être contournée par la partie adverse. Elle peut également affaiblir sa position en donnant l'impression qu'elle cherche à se défausser de sa responsabilité plutôt qu'à assumer ses engagements.

Complexification de la procédure

L'intervention forcée **alourdit inévitablement la procédure**. L'intégration d'un tiers au litige multiplie le nombre de parties, donc le nombre de conclusions à échanger, de pièces à communiquer et d'arguments à réfuter. Le délai de jugement s'allonge généralement, le juge devant examiner des questions supplémentaires et s'assurer que le principe du contradictoire est respecté entre toutes les parties.

Cette complexification peut se retourner contre la partie qui a sollicité l'intervention forcée. Si le dossier devient trop complexe, le juge peut décider de disjoindre certaines demandes et de les renvoyer à une instance séparée, ce qui fait perdre tout l'intérêt de l'intervention forcée. La multiplication des parties augmente également le risque de désaccords procéduraux (contestations sur les délais, incidents de procédure) qui retardent encore le jugement.

D'un point de vue pratique, la gestion d'un dossier impliquant plusieurs intervenants forcés nécessite une organisation rigoureuse. Les échanges de conclusions et de pièces doivent être coordonnés entre tous les avocats. Les dates d'audience doivent être compatibles avec les agendas de chacun. Le risque d'erreur ou d'oubli augmente avec le nombre d'intervenants, ce qui justifie une vigilance accrue à chaque étape de la procédure.

Précautions rédactionnelles et documentaires

Pour sécuriser une assignation en intervention forcée, plusieurs précautions rédactionnelles s'imposent. L'acte doit d'abord exposer avec clarté et précision les motifs justifiant la mise en cause du tiers. Un exposé trop succinct risque d'être jugé insuffisant et d'entraîner la nullité de l'assignation. À l'inverse, un exposé trop prolixe ou confus nuit à la compréhension et peut affaiblir l'argumentation.

Les fondements juridiques de la demande doivent être explicités : s'agit-il d'une action en responsabilité contractuelle, d'un appel en garantie légale ou conventionnelle, d'une demande de partage de responsabilité ? Les textes applicables et la jurisprudence pertinente doivent être cités. Cette démarche permet au juge de comprendre immédiatement la nature de la demande et au tiers de préparer sa défense en connaissance de cause.

La quantification des prétentions doit être aussi précise que possible. Si l'on sollicite la condamnation du tiers à une somme déterminée, cette somme doit être chiffrée et justifiée. Si l'on sollicite une garantie, il faut préciser l'étendue de cette garantie (totale ou partielle, plafonnée ou non). Les demandes trop vagues ou imprécises exposent à une irrecevabilité ou à un rejet.

Le bordereau des pièces doit être établi avec soin. Il doit répertorier tous les documents produits à l'appui de la demande, numérotés et identifiés avec précision. Les pièces essentielles doivent être jointes à l'assignation elle-même (contrats, factures, correspondances établissant la responsabilité du tiers). Un bordereau incomplet ou inexact constitue un motif de nullité et affaiblit considérablement l'argumentation.

Enfin, la **preuve de la signification** doit être conservée précieusement. L'acte d'huissier prouvant que l'assignation a été régulièrement délivrée au tiers constitue un élément indispensable du dossier. Sans cette preuve, le juge ne peut statuer à l'encontre du tiers, qui n'a pas été régulièrement convoqué. Cette preuve doit être versée au dossier de procédure dans les délais impartis.

Stratégie contentieuse et opportunité de l'intervention forcée

Quand privilégier l'intervention forcée ?

L'opportunité d'une intervention forcée doit être évaluée au regard de plusieurs critères stratégiques. La première question à se poser concerne l'efficacité de la procédure : l'intervention du tiers est-elle indispensable pour obtenir une solution complète au litige, ou peut-on obtenir satisfaction sans l'impliquer ? Si la responsabilité du tiers peut être établie dans une procédure ultérieure sans risque de contradiction avec le jugement à venir, l'intervention forcée n'est peut-être pas nécessaire.

Le deuxième critère tient au rapport coût-bénéfice. L'intervention forcée alourdit la procédure, allonge les délais et augmente les frais. Ces inconvénients doivent être mis en balance avec les avantages attendus. Si l'enjeu financier est faible ou si la responsabilité du tiers est incertaine, il peut être préférable de concentrer ses efforts sur le litige principal et de traiter ultérieurement, si nécessaire, la question de la contribution du tiers.

Le troisième critère concerne la solidité de la position juridique. Avant d'appeler un tiers en cause, il faut s'assurer que les conditions de recevabilité sont réunies et que le fond de la demande est suffisamment solide. Une intervention forcée vouée à l'échec expose à des condamnations financières et affaiblit la crédibilité de la défense. Une analyse juridique rigoureuse doit précéder toute décision d'intervention forcée.

Enfin, la dimension relationnelle ne doit pas être négligée. Appeler un partenaire commercial en intervention forcée peut dégrader durablement les relations d'affaires. Si la collaboration avec ce partenaire doit se poursuivre après le litige, il peut être préférable de privilégier une négociation amiable plutôt qu'une mise en cause contentieuse. À l'inverse, si la relation est déjà rompue et si le tiers a manifestement manqué à ses obligations, l'intervention forcée peut s'imposer.

Alternatives à l'intervention forcée

Plusieurs alternatives méritent d'être envisagées avant de recourir à l'intervention forcée. La première consiste à régler séparément la question de la responsabilité du tiers, dans une procédure distincte introduite après le jugement du litige principal. Cette approche présente l'inconvénient d'une multiplicité de procédures, mais elle évite de compliquer le dossier initial et permet de concentrer les efforts sur le litige principal.

La deuxième alternative réside dans la négociation amiable avec le tiers. Plutôt que de l'appeler en intervention forcée, on peut l'informer du litige en cours et lui proposer un accord transactionnel. Si le tiers reconnaît sa responsabilité et accepte de contribuer au règlement du litige, une transaction tripartite peut être conclue, évitant les aléas et les coûts d'une procédure contentieuse supplémentaire.

La troisième alternative consiste à obtenir du tiers une reconnaissance de dette ou un engagement de garantie avant même le jugement du litige principal. Si le tiers accepte de s'engager par écrit à prendre en charge tout ou partie des conséquences financières d'une éventuelle condamnation, l'intervention forcée devient inutile : il suffira d'invoquer cet engagement pour obtenir son exécution ultérieurement.

La quatrième alternative, lorsque les conditions sont réunies, réside dans l'**action directe**. Certaines situations permettent au créancier d'agir directement contre le sous-traitant ou le garant, sans passer par l'intermédiaire contractuel. L'action directe, prévue par la loi dans certains cas (action directe du maître d'ouvrage contre les sous-traitants en droit de la construction, action directe de la victime contre l'assureur en matière d'assurance responsabilité civile), peut se révéler plus efficace que l'intervention forcée.

Clause contractuelle anticipant l'intervention forcée

L'insertion d'une **clause contractuelle** prévoyant expressément les modalités d'une éventuelle intervention forcée peut sécuriser considérablement la procédure. Une telle clause, insérée dans un contrat-cadre ou dans des conditions générales, peut prévoir que chaque partie accepte par avance d'être mise en cause dans tout litige concernant l'exécution du contrat, facilitant ainsi la recevabilité de l'intervention forcée.

Exemple de clause :

*« En cas de litige relatif à l'exécution du présent contrat, chaque partie accepte par avance d'être appelée en intervention forcée dans toute procédure judiciaire engagée par l'autre partie ou par un tiers, dès lors que ce litige présente un lien de connexité avec les obligations découlant du présent contrat. Chaque partie s'engage à constituer avocat dans les quinze jours suivant la signification de l'assignation en intervention forcée et à participer activement à la procédure. »*

Cette clause facilite l'intervention forcée en établissant par avance l'acceptation du tiers et en confirmant la connexité entre les obligations contractuelles et le litige futur. Elle ne dispense pas du respect des conditions légales de l'intervention forcée, mais elle renforce la position de la partie appelante en démontrant que la mise en cause du tiers était anticipée et acceptée contractuellement.

Une clause de garantie bien rédigée peut également faciliter l'intervention forcée en établissant clairement l'obligation du garant :

*« La société X garantit la société Y de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre en raison d'un manquement de la société X à ses obligations contractuelles. En cas de litige impliquant la société Y, cette dernière pourra appeler la société X en intervention forcée pour obtenir l'exécution de la présente garantie. La société X s'engage à prendre en charge l'intégralité des condamnations prononcées contre la société Y, dans la limite des responsabilités résultant du présent contrat. »*

Cette clause transforme l'intervention forcée en simple mise en œuvre d'une obligation contractuelle préexistante, ce qui en facilite considérablement l'acceptation par le juge et l'exécution ultérieure.

Conclusion

L'assignation en intervention forcée constitue un instrument procédural puissant qui permet de concentrer devant un même juge l'ensemble des questions connexes relatives à un litige. Son utilisation suppose une maîtrise parfaite des conditions de recevabilité, des délais procéduraux et des modalités pratiques variant selon les juridictions. La rigueur dans la rédaction de l'acte d'assignation, le respect du formalisme imposé par le Code de procédure civile et l'anticipation des risques d'irrecevabilité conditionnent le succès de la démarche.

L'intervention forcée doit s'inscrire dans une stratégie contentieuse globale, pesant les avantages d'une solution judiciaire concentrée contre les inconvénients d'une procédure alourdie et plus coûteuse. Les alternatives, notamment la négociation amiable ou l'action séparée ultérieure, méritent toujours d'être envisagées avant de recourir à cette procédure. L'insertion de clauses contractuelles anticipant les modalités de l'intervention forcée constitue une précaution recommandée pour sécuriser les relations d'affaires complexes.

Les contentieux commerciaux, caractérisés par la multiplication des intervenants et la complexité des chaînes contractuelles, justifient fréquemment le recours à l'intervention forcée. Dans ces situations, l'accompagnement par un avocat spécialisé en droit des affaires et en procédure civile s'avère indispensable pour évaluer l'opportunité de la démarche, rédiger un acte conforme aux exigences légales et conduire efficacement la procédure jusqu'à son terme. La consultation préalable permet d'éviter les erreurs qui conduiraient à une irrecevabilité ou à des condamnations financières, tout en optimisant les chances d'obtenir une décision favorable sur le fond.

Questions fréquentes sur l'assignation en intervention forcée

Quelle est la différence entre intervention forcée et appel en garantie ?

L'intervention forcée et l'appel en garantie sont souvent confondus, mais ils désignent en réalité deux aspects d'une même procédure. L'intervention forcée constitue le mécanisme procédural par lequel un tiers est intégré au litige à l'initiative d'une partie déjà présente. L'appel en garantie représente l'objectif substantiel de cette intervention : obtenir que le tiers prenne en charge, totalement ou partiellement, les conséquences financières d'une condamnation prononcée contre la partie appelante. Concrètement, l'appel en garantie s'effectue par le biais d'une assignation en intervention forcée. Les deux notions sont donc complémentaires : l'intervention forcée est la forme, l'appel en garantie est le fond. L'intervention forcée peut néanmoins poursuivre d'autres objectifs que l'appel en garantie, notamment la condamnation directe du tiers envers le demandeur initial ou la simple déclaration de jugement commun. L'appel en garantie suppose l'existence d'une obligation de garantie, qu'elle résulte d'un contrat, d'une clause spécifique ou d'une règle légale. Cette obligation oblige le garant à prendre en charge les conséquences d'une condamnation du garanti, dans les limites définies par la source de l'obligation de garantie. L'intervention forcée, plus large, peut être utilisée même en l'absence d'obligation de garantie préexistante, dès lors qu'un lien de connexité existe entre le litige principal et la responsabilité du tiers.

Peut-on mettre en cause plusieurs tiers simultanément ?

Il est parfaitement possible de mettre en cause plusieurs tiers simultanément par des assignations distinctes en intervention forcée. Cette situation se rencontre fréquemment dans les litiges complexes impliquant une chaîne de responsabilités ou une pluralité d'intervenants ayant contribué au dommage. Chaque tiers doit faire l'objet d'une assignation spécifique, respectant les mentions obligatoires et les délais légaux. Le tribunal examine ensuite les responsabilités respectives de chaque intervenant et peut prononcer des condamnations différenciées selon la contribution de chacun. Par exemple, dans un litige de construction, le défendeur peut appeler en intervention forcée à la fois le sous-traitant, le bureau d'études et le fournisseur de matériaux, chacun étant susceptible d'avoir contribué aux désordres constatés. Le tribunal établit alors un partage de responsabilité proportionnel à la faute de chacun. Cette multiplication des interventions forcées présente l'avantage de permettre une solution globale et cohérente, mais elle alourdit considérablement la procédure. Le nombre de parties augmente, les échanges de conclusions se multiplient, et le risque de désaccords procéduraux s'accroît. Le juge doit veiller au respect du principe du contradictoire entre toutes les parties, ce qui peut allonger sensiblement les délais de jugement. Il convient donc de n'appeler en cause que les tiers dont la présence est réellement indispensable pour obtenir une solution complète au litige, en évitant les interventions forcées disproportionnées ou peu fondées.

L'intervention forcée est-elle possible en matière de référé ?

L'intervention forcée en matière de référé soulève des difficultés particulières en raison de la nature même de cette procédure. Le référé se caractérise par son urgence et son caractère provisoire : il vise à obtenir rapidement des mesures conservatoires ou à faire cesser un trouble manifestement illicite, sans trancher le fond du droit. L'intégration d'un tiers au débat risque de compliquer la procédure et de compromettre la rapidité qui justifie le recours au référé. La jurisprudence admet néanmoins l'intervention forcée en référé dans certaines situations exceptionnelles, lorsque la présence du tiers s'avère indispensable pour statuer utilement sur la demande principale et que ce tiers peut être convoqué dans des délais très brefs sans que cela compromette ses droits de la défense. Par exemple, si le trouble manifestement illicite résulte d'agissements combinés de plusieurs personnes, l'appel en cause de l'ensemble des responsables peut se justifier. Les modalités pratiques varient considérablement d'une juridiction à l'autre. Certains tribunaux admettent les interventions forcées en référé moyennant le respect de délais très courts, tandis que d'autres refusent systématiquement cette pratique. Il est donc impératif de se renseigner auprès du greffe de la juridiction concernée avant d'envisager une telle démarche. En tout état de cause, l'ordonnance de référé conserve son caractère provisoire : elle ne lie pas le juge du fond et les parties conservent la possibilité de saisir ultérieurement le tribunal sur le fond du litige, éventuellement avec des interventions forcées complémentaires.

Quelles sont les conséquences si le tiers ne constitue pas avocat dans les délais ?

Si le tiers assigné en intervention forcée ne constitue pas avocat dans le délai de quinze jours prévu par l'assignation, les conséquences varient selon la nature de la procédure. Devant les juridictions où la représentation par avocat est obligatoire (tribunal judiciaire, cour d'appel), le tiers qui ne constitue pas avocat dans les délais s'expose à la désignation d'un avocat commis d'office pour assurer sa défense. Cette désignation intervient à la demande de la partie appelante ou d'office par le juge. L'avocat commis d'office dispose des mêmes prérogatives qu'un avocat choisi, mais il intervient dans des conditions souvent difficiles, sans avoir nécessairement les instructions détaillées du tiers et sans disposer de l'ensemble des éléments de fait. Le tiers conserve néanmoins la possibilité de régulariser sa situation en constituant ultérieurement un avocat de son choix, qui se substituera à l'avocat commis d'office. Cette régularisation peut intervenir jusqu'à la clôture de l'instruction, mais plus elle est tardive, plus elle compromet l'efficacité de la défense. Le tiers qui n'a pas constitué avocat dans les délais ne peut se prévaloir de son inertie pour obtenir l'annulation de la procédure ou le report du jugement. Le tribunal statue sur les prétentions dirigées contre lui en fonction des éléments du dossier, même si sa défense n'a pas été assurée de manière optimale. Cette situation peut conduire à une condamnation par défaut, exécutoire comme tout jugement contradictoire. Le tiers dispose alors des voies de recours ordinaires (appel, opposition selon les cas) pour contester le jugement, mais ces recours ne suspendent pas nécessairement son exécution.

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