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Solidarité fiscale & cession de fonds de commerce

Lorsqu’un fonds de commerce est vendu, l’acheteur (appelé cessionnaire) n’achète pas uniquement un local, une clientèle et un chiffre d’affaires : il hérite aussi d’un risque temporaire. En vertu du principe de solidarité fiscale, il peut être tenu responsable du paiement de certains impôts que le vendeur n’aurait pas réglés à la date de la vente.

Qu’est-ce que la solidarité fiscale lors d’une cession de fonds de commerce ?

Définition juridique : une responsabilité partagée entre vendeur et acheteur

Lorsqu’un fonds de commerce est vendu, l’acheteur (appelé cessionnaire) n’achète pas uniquement un local, une clientèle et un chiffre d’affaires : il hérite aussi d’un risque temporaire. En vertu du principe de solidarité fiscale, il peut être tenu responsable du paiement de certains impôts que le vendeur n’aurait pas réglés à la date de la vente.

Cette solidarité ne repose pas sur une faute, mais sur une garantie accordée à l’administration fiscale. Elle permet de sécuriser le recouvrement des impôts liés à l’exploitation du fonds jusqu’au jour de la cession.

📌 Le cessionnaire peut donc être poursuivi pour une dette fiscale… qu’il n’a pas lui-même générée.

Origine légale : article 1684 du Code général des impôts

Le mécanisme est prévu par l’article 1684, 1 du CGI, qui dispose que :

“L’acquéreur d’un fonds de commerce est solidairement tenu avec le vendeur au paiement de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés afférent aux bénéfices réalisés jusqu’au jour de la cession.”

Cette disposition protège l’État contre le risque que le vendeur perçoive le prix du fonds, puis disparaisse sans solder ses dettes fiscales.

Finalité : sécuriser le recouvrement fiscal sur les bénéfices réalisés avant la vente

La solidarité fiscale n’a aucun lien avec les dettes futures de l’acquéreur. Elle vise exclusivement à garantir le règlement des impôts dus par le cédant pour les exercices clôturés ou en cours au moment de la vente.

Ce dispositif incite donc l’acheteur à :

  • vérifier la situation fiscale du vendeur,
  • mettre en place un séquestre,
  • et anticiper les délais de purge pour sécuriser le versement du prix.

Quels impôts sont concernés par la solidarité fiscale ?

Impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés dus par le vendeur

Le premier impôt visé est celui portant sur les bénéfices réalisés jusqu’au jour de la cession :

  • Impôt sur le revenu (IR) si le vendeur est une entreprise individuelle ou une société de personnes (BIC/BNC),
  • Impôt sur les sociétés (IS) si le fonds est détenu par une société soumise à l’IS.
💡 Il s’agit des bénéfices de l’année en cours, mais aussi, le cas échéant, de ceux non encore déclarés de l’année précédente.

Taxe d’apprentissage (et autres contributions assimilées)

La solidarité fiscale concerne également :

  • la taxe d’apprentissage,
  • et dans certains cas, d’autres impositions assimilées perçues par voie de rôle.

Cela reste toutefois limité à ce qui est explicitement mentionné par la loi.

Exclusions : pas de solidarité sur TVA ou cotisations sociales

Le cessionnaire n’est pas tenu solidairement :

  • des dettes de TVA,
  • des cotisations sociales (Urssaf, retraite, etc.),
  • ni des taxes locales indépendantes de l’exploitation du fonds.

Cette exclusion est importante à connaître, car elle limite le champ de responsabilité de l’acheteur.

Quel est l’impact concret pour l’acheteur du fonds ?

L’acheteur peut être poursuivi à hauteur du prix du fonds

La solidarité fiscale ne rend pas l’acheteur responsable de tous les impôts du vendeur sans limite.
Sa responsabilité est plafonnée au montant du prix de vente du fonds de commerce, tel qu’indiqué dans l’acte.

💡 Exemple : si le fonds est vendu 120 000 € et que le vendeur laisse un solde d’impôt sur les bénéfices de 35 000 €, l’administration peut réclamer cette somme à l’acheteur, dans la limite de 120 000 €.

Autrement dit : le fisc ne peut pas aller au-delà du prix du fonds, mais il peut se servir directement sur ce montant si les précautions n’ont pas été prises.

Le délai de solidarité : 90 jours (réductible à 30)

L’administration dispose d’un délai de 90 jours à compter :

  • soit du dépôt de la déclaration de résultats du vendeur (si celle-ci est faite dans les délais),
  • soit du dernier jour légal pour la déposer, si le vendeur tarde ou omet.

Dans certains cas, ce délai peut être réduit à 30 jours, notamment si :

  • la déclaration de résultats est déposée dans les 60 jours suivant la cession,
  • le vendeur est à jour de ses obligations déclaratives et fiscales.

Ce raccourcissement nécessite généralement une demande formelle et motivée de l’avocat ou du conseil du cessionnaire.

Conséquences si l’impôt n’est pas payé à temps par le vendeur

Si le vendeur ne paie pas les impôts dus dans le délai, et que le prix du fonds a déjà été versé, l’acheteur devient redevable du solde à hauteur de ce prix.

⚠️ Cela peut conduire à devoir payer une seconde fois pour la même opération, en raison d’un simple défaut de sécurisation juridique.

D’où la pratique quasi systématique du séquestre du prix (voir partie suivante), pour éviter de débloquer les fonds avant la purge de la solidarité.

Le séquestre du prix de vente : une protection essentielle

Pourquoi séquestrer le prix de cession ?

Le séquestre consiste à bloquer temporairement le prix de vente du fonds sur un compte tiers — généralement celui d’un avocat (CARPA) ou d’un notaire — jusqu’à la purge de la solidarité fiscale.

Objectifs :

  • protéger l’acheteur contre un éventuel redressement,
  • garantir à l’administration fiscale qu’elle pourra se faire payer,
  • éviter tout conflit ultérieur entre vendeur et acheteur en cas de dette fiscale non réglée.

🎯 Sans séquestre, l’acheteur prend le risque de payer deux fois : une fois le vendeur, puis l’administration.

Qui gère le séquestre ? (avocat, notaire, compte CARPA)

Le séquestre est généralement confié à un professionnel du droit :

  • avocat, via un compte CARPA (séquestre sécurisé par la profession),
  • ou notaire, via son compte séquestre réglementé.

Ce professionnel :

  • conserve le prix pendant toute la durée de la solidarité,
  • le libère uniquement après réception d’un certificat d’absence d’opposition de l’administration fiscale (ou après expiration du délai de 90 jours, sauf opposition).

📌 Cette étape est standard dans toute cession bien menée.

Quand et comment libérer les fonds ? (purge de la solidarité)

La libération du prix intervient :

  • soit à l’expiration du délai de solidarité fiscale (90 jours, ou 30 jours si conditions réunies),
  • soit sur présentation d’un certificat de non-opposition émis par l’administration.

Dans la pratique :

  1. L’acte de cession prévoit les conditions de séquestre et de libération,
  2. L’avocat ou notaire suit le calendrier fiscal du vendeur,
  3. Le prix est débloqué uniquement une fois toutes les conditions levées.

💡 Pour l’acheteur, c’est un véritable filet de sécurité. Pour le vendeur, c’est une contrainte temporaire… mais incontournable.

Quelles sont les limites de la solidarité fiscale ?

Montant maximal : le prix de cession du fonds

La première limite, et non des moindres : l’acheteur ne peut être tenu au-delà du prix convenu pour la vente du fonds.

Exemple : si le fonds est vendu 80 000 €, l’administration ne pourra jamais réclamer plus à l’acheteur, même si le vendeur laisse un passif fiscal supérieur.

⚠️ Ce montant s’entend toutes taxes comprises, frais inclus. C’est une barrière claire… à condition que le prix soit réellement séquestré.

Durée limitée dans le temps

La solidarité ne joue que pendant un délai strictement encadré par la loi :

  • 90 jours à compter du dépôt (ou de la date limite de dépôt) de la déclaration fiscale du vendeur,
  • réductible à 30 jours si le vendeur est à jour de ses obligations.

Passé ce délai, l’administration ne peut plus engager de recours contre l’acheteur. La solidarité prend fin automatiquement, même si des dettes subsistent.

🧠 Ce mécanisme encourage une gestion fiscale rigoureuse du vendeur pour accélérer la libération des fonds.

Champ d’application : uniquement les cessions de fonds, pas les droits au bail

La solidarité fiscale ne s’applique pas :

  • en cas de simple cession de droit au bail (sans clientèle, matériel, etc.),
  • ni lors de changements de forme juridique ou de simples fusions de sociétés.

Elle ne concerne que les véritables cessions de fonds de commerce, c’est-à-dire les transmissions intégrant l’élément essentiel qu’est la clientèle.

💡 Attention aux opérations “hybrides” mal qualifiées : ce n’est pas le vocabulaire de l’acte, mais la réalité économique de l’opération qui détermine l’application de la solidarité.

Comment sécuriser la cession sur le plan fiscal ?

Anticiper avec des clauses spécifiques dans l’acte de cession

L’acte de cession doit contenir des clauses précises sur la solidarité fiscale, notamment :

  • l’engagement du vendeur à déposer sa déclaration de résultats dans les délais,
  • la mise en place du séquestre avec détail du montant, du compte et de la durée,
  • les modalités de libération des fonds après purge (certificat ou délai expiré),
  • une clause de garantie fiscale complémentaire, permettant à l’acheteur d’agir contre le vendeur en cas de problème.
📌 Ces clauses ne dispensent pas de la solidarité légale, mais elles permettent d’organiser la gestion des risques entre les parties.

Prévoir un séquestre systématique avec modalités de libération

Comme vu plus haut, le séquestre est la seule façon fiable de protéger l’acheteur.

Il doit être prévu :

  • dès l’avant-contrat ou la promesse,
  • chiffré précisément (montant du prix de cession ou quote-part en cas d’acompte),
  • déposé sur un compte professionnel sécurisé (CARPA, notaire).
💡 Le séquestre rassure toutes les parties : acheteur, vendeur… et l’administration.

Vérifier le respect des obligations déclaratives du vendeur

L’acheteur ou son conseil doivent :

  • s’assurer que le vendeur est à jour de ses déclarations fiscales (liasses, TVA, acomptes IS/IR),
  • vérifier les échéances à venir, notamment la date limite de déclaration de résultats,
  • anticiper les justificatifs à fournir pour purger la solidarité fiscale en 30 jours au lieu de 90.

🎯 Une simple vérification fiscale en amont peut faire gagner deux mois sur la libération du prix.

Questions fréquentes sur la solidarité fiscale en cas de cession

Comment la solidarité fiscale peut-elle impacter ma responsabilité après une cession ?

En tant qu’acheteur, vous pouvez être redevable des impôts non réglés par le vendeur, dans la limite du prix du fonds.
Cela signifie que si vous ne sécurisez pas le paiement via un séquestre, l’administration peut se retourner contre vous.

Quelles précautions prendre pour limiter le montant de la solidarité fiscale ?

  • Prévoir un séquestre du prix de vente,
  • Inclure une clause de garantie fiscale dans l’acte,
  • Faire vérifier les déclarations fiscales du vendeur,
  • Accélérer la purge en respectant les délais de déclaration post-cession.

En quoi le séquestre protège-t-il réellement l’acheteur ?

Il permet de ne pas verser le prix tant que la solidarité n’est pas purgée.
Si un impôt est réclamé dans les 90 jours, le paiement est prélevé directement sur le séquestre, sans affecter la trésorerie de l’acheteur.

Quels sont les risques si je ne prévois pas de séquestre ?

  • Devoir payer une seconde fois (à l’administration),
  • Engager une procédure contre le vendeur (souvent complexe),
  • Perdre confiance avec votre banque ou vos associés, en cas d’imprévu fiscal post-acquisition.

La durée de solidarité peut-elle bloquer ma trésorerie après la vente ?

Oui, surtout si le prix de cession est une source attendue de liquidité.
Côté vendeur, le blocage de 30 à 90 jours peut ralentir un projet de réinvestissement ou de remboursement de dettes.

D’où l’intérêt d’anticiper ce délai dans la négociation et l’agenda de la vente.

Quelle fiscalité s’applique au vendeur lors d’une cession de fonds ?

Le vendeur est imposé sur :

  • les bénéfices d’exploitation réalisés jusqu’à la date de cession (IR ou IS),
  • la plus-value de cession, sauf exonération (article 238 quindecies du CGI, régime TPE...).

Ces impositions doivent être déclarées et réglées rapidement pour accélérer la libération du séquestre.

En résumé : anticipez, sécurisez, contractualisez

La cession d’un fonds de commerce ne s’improvise pas.
Et la solidarité fiscale, bien que limitée dans le temps et le montant, peut faire peser un risque financier significatif si elle n’est pas correctement traitée.

✍️ Une convention bien rédigée, un séquestre bien mis en place, et des délais respectés : c’est la clé d’une cession sans mauvaise surprise.

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