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Transfert de salariés entre sociétés du même groupe

Dans un groupe de sociétés, il est courant de vouloir faire évoluer un salarié d’une entité à une autre. Ce changement peut répondre à un besoin d’organisation interne, de montée en compétence, ou simplement à un recentrage des activités. On parle alors de transfert intragroupe.

Comprendre le transfert de salariés au sein d’un groupe : cadre légal et enjeux

Définition du transfert intragroupe de salariés

Dans un groupe de sociétés, il est courant de vouloir faire évoluer un salarié d’une entité à une autre. Ce changement peut répondre à un besoin d’organisation interne, de montée en compétence, ou simplement à un recentrage des activités. On parle alors de transfert intragroupe.

Mais ce transfert n’est pas neutre juridiquement : dès lors que le salarié change d’employeur (et donc de personne morale), il s’agit d’une rupture du contrat initial suivie de la conclusion d’un nouveau contrat. Ce mécanisme est encadré par le droit du travail.

💡 Exemple : une société mère souhaite que son directeur financier passe sous contrat avec une de ses filiales opérationnelles pour piloter la restructuration d’un pôle d’activité. Ce changement ne peut pas être imposé, même s’il reste dans le même groupe.

Différence entre mutation interne et transfert entre entités juridiques distinctes

Il est essentiel de ne pas confondre :

  • La mutation interne, qui reste dans le cadre du même employeur (changement de poste ou de lieu au sein d’une même société),
  • Le transfert entre sociétés, qui implique un changement d’employeur.

Même si les deux entités font partie du même groupe, ce changement ne peut être décidé unilatéralement. Le salarié garde son plein pouvoir de décision.

Pourquoi le transfert intragroupe n’est pas automatique (sauf exceptions légales)

Contrairement à ce que certains dirigeants imaginent, il n’existe pas de droit général au transfert automatique d’un salarié d’une société à une autre, même au sein d’un groupe intégré.

Seul l’article L.1224-1 du Code du travail prévoit un transfert automatique en cas de :

  • cession d’une entité économique autonome,
  • fusion,
  • absorption, etc.

En dehors de ces cas, le transfert nécessite obligatoirement l’accord du salarié et la signature d’une convention tripartite.

📌 Aucun contrat de travail, même avec une clause de mobilité, ne peut imposer un changement d’employeur.

Transfert automatique vs convention tripartite : quelles différences ?

Le transfert automatique prévu par l’article L.1224-1 du Code du travail

Ce dispositif s’applique lorsque :

  • une entité économique autonome (avec ses moyens, ses missions, ses équipes) est transférée à un autre employeur,
  • le contrat de travail est transféré automatiquement au nouvel employeur sans qu’un accord du salarié soit nécessaire.

Ce cas vise surtout les opérations de cession d’activité, fusion, scission ou externalisation.

🧠 Exemple : si la société A cède son service informatique à la société B, l’équipe concernée est transférée de plein droit à B, avec maintien de leurs contrats.

Les cas où la convention tripartite est nécessaire

En dehors des situations prévues par L.1224-1, aucun transfert ne peut avoir lieu sans accord exprès du salarié. Il faut alors établir une convention tripartite, signée par :

  • le salarié,
  • l’employeur actuel,
  • l’employeur d’accueil.

Cette convention formalise la rupture du contrat avec la société d’origine, et l’entrée en fonction au sein de la nouvelle société.

Conséquences pratiques : obligations, droits transférés, statut du salarié

La convention tripartite permet de sécuriser la continuité de la relation de travail, en précisant notamment :

  • la reprise de l’ancienneté,
  • le maintien du niveau de rémunération,
  • la transposition des avantages collectifs (sous réserve d’accords),
  • la nouvelle classification et les éventuelles périodes d’adaptation.

Elle protège à la fois l’employeur d’origine, l’entreprise d’accueil, et le salarié.

✅ Sans cette convention, le risque est réel : la rupture peut être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse voire en licenciement nul (notamment en cas de protection ou d’arrêt maladie).

Étapes clés pour formaliser un transfert de salarié entre sociétés du groupe

Étape 1 : Obtenir l’accord du salarié

C’est la condition sine qua non. Contrairement à une simple mutation interne, le transfert implique un changement d’employeur, donc une rupture du contrat initial. À ce titre, il ne peut en aucun cas être imposé par l’entreprise, même si les deux sociétés appartiennent au même groupe.

📌 Il n’existe aucun fondement juridique permettant d’imposer un transfert inter-sociétés. Le salarié peut légitimement refuser, et aucun licenciement ne peut être prononcé pour ce seul motif.

Étape 2 : Rédiger une convention tripartite claire et sécurisée

Cette convention est le document central de l’opération. Elle doit être formalisée par écrit et signée par les trois parties :

  • le salarié,
  • l’employeur d’origine,
  • l’employeur d’accueil.

Elle doit notamment organiser :

  • la rupture du contrat initial dans des conditions valables (sans requalification possible),
  • la poursuite du contrat avec la nouvelle société (dans la continuité des droits du salarié),
  • les effets du transfert (rémunération, ancienneté, statut, etc.).
🧠 Un modèle type ne suffit pas : la convention doit être personnalisée à la situation du salarié et aux pratiques du groupe.

Étape 3 : Préciser les modalités de la poursuite du contrat

Le salarié ne doit pas repartir de zéro dans sa nouvelle entité. Il est donc crucial de prévoir explicitement dans la convention :

  • la reprise de l’ancienneté acquise,
  • la classification et la rémunération à l’identique (ou à valeur égale),
  • le maintien des droits à congés, RTT, CPF, tickets restaurant, etc.,
  • le cas échéant, l’intégration aux accords collectifs de la société d’accueil.
💬 Si rien n’est précisé, ces droits peuvent être perdus ou contestés : un flou qui peut coûter cher en cas de contentieux.

Étape 4 : Organiser le départ de la société d’origine

La rupture du contrat initial peut prendre plusieurs formes, mais elle doit impérativement être valide au regard du Code du travail :

  • Démission formalisée, si le salarié initie le départ,
  • Rupture conventionnelle homologuée, avec l’accord des deux parties,
  • Licenciement, si une cause réelle et sérieuse est établie (peu recommandé dans ce contexte),
  • Ou idéalement : intégrée dans la convention tripartite, pour sécuriser la transition.
⚠️ En revanche, une rupture amiable informelle ou mal documentée peut être requalifiée en licenciement abusif, voire nul si le salarié est protégé (ex. : représentant du personnel) ou en arrêt maladie.

Mentions obligatoires : parties, fonctions, lieu de travail, date de prise d’effet

Pour éviter tout risque de requalification ou de contentieux, la convention doit reprendre toutes les informations essentielles :

  • Identité des trois parties (salarié, société d’origine, société d’accueil),
  • Fonction occupée dans la nouvelle structure,
  • Lieu d’exercice du travail,
  • Date de fin du contrat initial et date de prise d’effet du nouveau contrat.
📌 Ces mentions doivent être précises : “passage à une autre filiale du groupe” ne suffit pas juridiquement.

Reprise des droits du salarié : ancienneté, classification, avantages collectifs

Un bon transfert n’est pas une rupture déguisée : il doit garantir une continuité dans les droits du salarié. La convention doit donc prévoir :

  • la reprise de l’ancienneté à date réelle,
  • le maintien du niveau de classification (ou adaptation équivalente dans la grille applicable),
  • le report des congés payés non pris,
  • la poursuite des droits à la formation, à la prévoyance, au forfait jours, le cas échéant.
💬 Exemple : si le salarié avait acquis 18 jours de congés au moment du transfert, la société d’accueil doit les lui conserver.

Clauses complémentaires : période d’adaptation, retour possible, confidentialité

Selon les cas, certaines clauses permettent de mieux structurer la mobilité :

  • Période d’adaptation dans le nouveau poste,
  • Clause de retour dans la société d’origine en cas d’échec de la mission,
  • Clause de confidentialité ou de non-concurrence, adaptée à la nouvelle position.

Ces éléments doivent être rédigés avec prudence pour éviter les nullités et protéger les intérêts du groupe.

Conséquences fiscales et sociales pour les deux sociétés

Le transfert peut aussi avoir un impact économique, notamment en matière de :

  • Charges sociales (liées à la rupture et à l’embauche),
  • Traitement comptable de l’ancienneté ou des congés acquis,
  • Impacts sur la masse salariale du groupe (si le salarié est cadre dirigeant, par exemple).
🧠 Il est utile de coordonner avec l’expert-comptable ou le DAF du groupe, pour anticiper les effets financiers du transfert.

Quels sont les risques en cas de transfert mal encadré ?

Rupture du contrat sans cause réelle et sérieuse

Un transfert mal formalisé, ou opéré sans convention tripartite, expose l’entreprise à une requalification de la rupture du contrat initial en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cela ouvre droit à :

  • des indemnités prud’homales pour le salarié,
  • le remboursement des allocations chômage versées par Pôle emploi,
  • une atteinte à l’image du groupe, surtout en cas de transfert multiple.
💬 Un simple mail actant un “accord de principe” ne suffit pas. L’absence de trace écrite engage lourdement l’employeur.

Risque de requalification en licenciement nul

Dans certaines situations spécifiques, le risque est encore plus élevé : la rupture peut être considérée comme nulle.

C’est le cas si le salarié est :

  • protégé (délégué syndical, élu au CSE, etc.),
  • en arrêt de travail, notamment suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle,
  • victime ou témoin d’un harcèlement moral ou discrimination.

Dans ces cas, la sanction est plus lourde : réintégration possible, paiement des salaires depuis la rupture, et dommages-intérêts complémentaires.

⚠️ Transférer un salarié protégé sans respecter les règles de consultation et d’autorisation de l’inspection du travail peut constituer une faute grave de l’employeur.

Risques contentieux : prud’hommes, URSSAF, inspection du travail

Un transfert mal documenté ou opaque peut attirer l’attention :

  • des juges prud’homaux, saisis par le salarié,
  • de l’URSSAF, en cas d’anomalie sur les bulletins de paie ou les indemnités versées,
  • de l’inspection du travail, surtout si plusieurs salariés sont concernés.

Par ailleurs, les risques sont souvent multipliés en cas de restructuration ou de réorganisation d’ampleur (fusion, filialisation, spin-off…).

🧠 Une entreprise peut avoir agi de bonne foi mais voir son transfert annulé pour simple vice de procédure. D’où l’intérêt d’un accompagnement juridique rigoureux.

Questions fréquentes sur le transfert de salariés entre sociétés d’un même groupe

Quelles sont les étapes clés pour formaliser un transfert intragroupe avec une convention tripartite ?

  1. Obtenir l’accord formel du salarié (oral ne suffit pas)
  2. Rédiger une convention tripartite écrite, signée par les 3 parties
  3. Y intégrer toutes les mentions nécessaires (dates, fonctions, conditions)
  4. Prévoir la reprise des droits du salarié (ancienneté, congés, rémunération)
  5. Organiser le départ sécurisé de la société d’origine (sans requalification)

Puis-je refuser le transfert de mon contrat de travail vers une autre société du groupe ?

Oui. Le salarié est libre de refuser. Un transfert implique un changement d’employeur, ce qui ne peut être imposé, même avec une clause de mobilité dans le contrat.

Le refus ne constitue ni une faute, ni un motif de licenciement en soi.

Est-ce qu’une clause de mobilité suffit pour transférer un salarié ?

Non. Une clause de mobilité permet de changer de lieu de travail, pas d’employeur. Elle n’autorise en aucun cas à imposer un changement de société, même au sein du groupe.

Le transfert reste soumis à l’accord exprès du salarié.

En quoi une rupture amiable mal formalisée peut poser problème ?

Une “rupture à l’amiable” qui ne respecte pas le cadre de la rupture conventionnelle ou de la convention tripartite peut être :

  • requalifiée en licenciement, si elle n’a pas été librement consentie,
  • voire annulée, si le salarié est protégé ou en arrêt maladie.

Sans convention claire, l’entreprise prend un risque contentieux élevé.

Comment assurer la continuité du contrat (droits, ancienneté, avantages) ?

Il faut intégrer explicitement dans la convention tripartite :

  • la reprise de l’ancienneté,
  • le maintien de la rémunération et de la classification,
  • la transposition des avantages (mutuelle, titres-restaurants, accord de télétravail…),
  • et, si nécessaire, une période d’adaptation.
📌 Ce sont ces mentions qui permettent de démontrer qu’il ne s’agit pas d’un nouveau contrat indépendant, mais bien d’une continuité encadrée.

Quelles sont les règles spécifiques pour transférer un salarié protégé ?

Un salarié protégé ne peut être transféré sans :

  • l’accord du salarié,
  • l’autorisation préalable de l’inspection du travail, même en cas de convention tripartite.

À défaut, la rupture est automatiquement nulle, avec obligation de réintégration et paiement rétroactif des salaires.

Est-il possible de transférer un salarié sans rédiger de convention tripartite ?

Non, sauf cas de transfert automatique (L.1224-1 du Code du travail).
Dans tous les autres cas, l’absence de convention rend le transfert juridiquement risqué : aucune garantie sur les droits du salarié, sur la validité de la rupture, ni sur la sécurité des deux sociétés concernées.

Pourquoi se faire accompagner par un avocat pour sécuriser un transfert intragroupe ?

Éviter les erreurs de qualification juridique

Ce type de transfert soulève des enjeux complexes, à la croisée du droit du travail, du droit des sociétés et parfois du droit fiscal. Un avocat vous permet de :

  • identifier si votre situation relève ou non du transfert automatique,
  • choisir la bonne modalité de rupture (convention tripartite, rupture conventionnelle, etc.),
  • rédiger les actes nécessaires en anticipant les risques de requalification.

Sécuriser les relations avec les représentants du personnel

Le transfert d’un ou plusieurs salariés peut :

  • déclencher des obligations d’information/consultation du CSE,
  • soulever des interrogations syndicales,
  • perturber la dynamique sociale si mal préparé.

Un accompagnement juridique permet de garder la maîtrise du dialogue social tout au long du processus.

Adapter le transfert aux enjeux fiscaux et sociaux du groupe

Les conséquences du transfert ne sont pas uniquement juridiques : elles touchent aussi à la gestion de la masse salariale, aux charges sociales, voire à des aspects de comptabilité analytique ou de transparence en cas d’audit.

Un avocat expérimenté peut vous aider à :

  • structurer le transfert en lien avec votre stratégie d’entreprise,
  • éviter les surcoûts cachés,
  • préserver votre conformité globale.

Cas concret d’accompagnement réussi

🧠 Exemple : un groupe industriel structuré en trois sociétés a souhaité transférer deux responsables techniques vers une filiale récemment créée pour piloter une nouvelle activité.
L’intervention de Me Bernard Lagrange a permis de :

  • structurer une convention tripartite personnalisée,
  • préserver l’ancienneté et les droits sociaux des salariés,
  • sécuriser la conformité URSSAF et éviter une requalification.
    Résultat : un transfert fluide, accepté par les salariés, avec un impact opérationnel immédiat.
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